Last day in the rédac'

ce texte fait partie de la série: journée de merde et il est un peu long, mais c'est pas pour ça que je vais oublier Jean Claude:"Plus tard on parlera avec les yeux, avec des ondes. C'est pas des conneries, les baleines, les dauphins le font, c'est des animaux très intelligents dans la mer. Nous on vit dans la terre. Et comme ils vivent dans la mer, ils ne peuvent pas se parler, blablabla bla comme ça, alors ils sont obligés d'utiliser des ondes de love, et de hate. Et la communication se fait comme ça."

J'étais rentré très tard la veille, d'un château en pleine campagne. Avec quelques potes, on avait exterminé un nécromancien niveau 12, ce qui avait permis accessoirement à notre assassin de passer un niveau. Malgré la fatigue accumulée, je n'avais pas dormi beaucoup cette nuit là. Je repassais dans ma tête le fil des évènements qui avaient construit la vie de Q.I. au fil des mois. Le matin finit tout de même par arriver; à ma grande déception personne n'avait arrêté le temps pendant la nuit. Je me levai alors difficilement, et tandis que j'allumai machinalement la chaîne hi-fi histoire d'écouter encore une fois Untouchables ( ndla: dernier album de Korn ) mon regard se posa sur le portable sur lequel j'avais si souvent exprimé ma haine et ma connerie pendant cette année de Q.I., cette espèce d'antiquité de trois kilos, mais qui me permettait d'écrire quand je n'était pas à la rédac'. Je poussai alors un grand soupir de regret, et je me préparai à partir au boulot. Ma hache mal ajustée me faisait mal pendant que je descendais l'escalier. je la remis en place d'un coup de rein, et je sortis dans la rue. La concierge me regardait d'un air bizarre, et elle allait encore me faire une remarque, mais un simple regard l'en dissuada. Il faisait mauvais; non pas qu'il pleuvait, mais il faisait gris, et un vent froid soufflait faiblement, faisant voleter les papiers sortis des poubelles mal fermées qui étaient entassées devant les pas de porte, attendant passivement les éboueurs. Même ces poubelles semblaient tristes en ce jour, leurs ficelles pendant lamentablement sur leurs contours bombés. Je pensai tout à coup que je divaguais, des poubelles ne pouvant exprimer de sentiments, et secouant la tête pour me remettre les idées en place, je repris mon chemin. Quelques rues plus loin, un troupeau de racailles qui squattait de l'autre côté de la rue s'approcha de moi pour me racketter. C'était bizarre. je ne sentais pas l'habituel appel du sang monter en moi, et je n'éprouvais même pas l'envie de les massacrer. Je leur lançai quand même un Fuck accompagné d'un mouvement de doigt significatif. Le mâle dominant parut en colère suite à cela, et sortit un couteau de sa poche. Alors sans un mot, sans aucune envie, je le tranchai vivement en deux dans le sens de la longueur, et je repris mon chemin, laissant des empreintes rougeâtres derrière moi, trâces éphémères d'une bataille gagnée sans motivation.

J'arrivai enfin à l'immeuble de Q.I., grande façade blanche ornée du logo Q.I. bleu. Deux ouvriers s'affairaient à démonter ledit logo, ce qui me mit en colère: Q.I. ne fermait qu'à la fin du mois de Juillet, ils ne devaient pas faire ça. Ils tombèrent alors d'un coup de leur échaffaudage, en silence, une expression de surprise sur leur visage ensanglanté, un couteau de chasse dans leur gorge béante d'où giclait le liquide vital. Je les regardai un moment, incapable de me détacher de leur visage pâle, sans vie. Je rentrai dans l'immeuble, et dans la salle immense qu'était l'accueil, je vis la standardiste, qui comme d'habitude, ne foutait rien, ne répondait pas au téléphone, et attendait juste qu'un auteur bien intentionné lui propose de l'honorer. Mais elle ne semblait pas vouloir attendre passsivement la proposition salace ce jour là, et elle me demanda gentiment en se penchant en avant, découvrant ainsi son décolleté plongeant:" Par du hasard, tu n'aurais pas envie de te détendre un moment?". la colère qui sous tendait depuis l'épisode de l'échaffaudage se déversa en moi à ces mots: Cette fille pensait encore à ça le dernier jour où les auteurs se rendaient à la rédaction. Ma rage explosa en une bordée d'injures qui la rendit blême de peur et la fit se cacher derrière son bureau; je balançai malgré moi un coup de poing sur celui-ci, et le bord du bureau vola en éclats, m'écorchant la main. J'étais aveuglé par la rage, et mon poing frappait sans relâche ce bureau, déchirant mes chairs, ce qui bizarrement me soulageait. La partie consciente de mon esprit voulut reprendre le dessus, et je me demandai soudain si je n'étais pas devenu fou. Une main ferme se posa à ce moment sur mon épaule, et une voix connue me demanda posément de me calmer. je me retournai alors et vis Sigma, l'air mélancolique, lui si prompt d'habitude à engager une dispute entre bretons et normandiens. Il rassura la standardiste derrière son bureau, et nous montâmes ensemble au premier étage, vers nos bureaux, le visage baissé vers le sol. Avant de me quitter pour se retirer dans le sien, il me passa une disquette contenant la bêta du dernier cross-over de l'histoire de Q.I.. Je pénétrai alors dans mon bureau, où plutôt ce qui était censé ressembler à un bureau, mais qui était plus un amas d'armes d'ennemis vaincus et de textes ratés roulés en boule aux quatre coins de la pièce. Au mur étaient toujours accrochés la multitude de posters de Korn qui rendait ce bureau comparable à aucun autre. Il allait me manquer.

J'introduisis la disquette dans mon pc, et je sentis la mélancolie m'envahir en voyant s'afficher le texte dans Frontpage, entouré de la célèbre bordure jaune. Le dernier numéro de Q.I. se devait d'être exceptionnel, alors je me mis à la tâche de finir ce texte pour en faire quelque chose de bien. J'entendis soudain une voix familière qui provenait de l'escalier. Alerté comme les autres auteurs déjà arrivés par la grossièreté des propos que tenait Ash, je sortis dans le couloir, de même que Blèh, avec qui j'échangeai un regard interloqué, avant de voir apparaître des escaliers un Ash ébouriffé, en sueur, un pitbull accroché à son bras gauche couvert de sang:" Bordel de merde de saloperie de chien à la con!" je me pris à sourire à cette vue, et je me mis finalement à rire de bon coeur, tout comme Sigma, Blèh, Dark wind et Kharsneg, relâchant ainsi la tension et l'ensemble de sentiments bizarres accumulées pendant les dernières heures." Vous pourriez pas m'aider au lieu de vous marrer?" On l'aida alors à se défaire de l'encombrante bestiole que je renvoyai dans l'escalier d'un grand coup de pied dans le derrière. Chacun retourna ensuite dans son bureau et essuyant mes larmes de rire, je me remis au travail, consciencieusement.

Pendant le repas de midi, Scandisk fit une rapide apparition, nous remerciant pour notre travail, et nous réexpliquant les raisons de son départ, avant de repartir bosser son bac. les visages se fermèrent alors un peu plus, et seul Aelidnel continua à raconter des blagues pourries pour détendre l'atmosphère. Mais je n'arrivai pas à rire ce jour là. La seule chose que j'entendais dans la cafétéria, c'était les crissements des fourchettes sur les assiettes, et le tic tac monotone de la grande horloge, qui retentissait dans mes oreilles comme un gong annonçant le rapprochement d'une armée dix fois supérieure sur un champ de bataille, et qui amène une mort certaine avec elle. J'observai les visages de mes confrères pendant qu'ils engagaient la traditionnelle partie de belote après le déjeuner, et je me rappelai toutes les petites histoires se rattachant à leur personne, comme la fois où Grog avait voulu ouvrir une boîte de conserve avec ses dents, et qu'il s'était déboité la mâchoire, ou encore cette lettre d'un fan amoureux de dvs-Shoot qui lui avait envoyé un faux extra-terrestre robot, ce qui avait déclenché un feu nourri dans le bureau de dvs, et avait entièrement détruit son ordinateur.

Je repartis ensuite vers mon bureau, pour ranger mes affaires. Je restai un long moment à relire mes textes, et à songer aux auteurs qui m'avaient donné envie de postuler pour un emploi d'auteur à Q.I.: Slipknot, Mr patat, Akira, et tant d'autres, passés une fois, ou restés jusqu'au bout, comme Sigma, ce vétéran qui n'avait comme seul défaut le fait d'étre de Normandie, ou Sir yakko, le légendaire amiral. Je pensai également aux autres, fraîchement arrivés, et qui devaient déjà repartir: Sir Ersatz, Aelidnel,...pour ceux là, la rupture risquait d'être plus dure que pour moi, qui avait déjà songé à me retirer, comme Scandisk. J'éprouvais même une espèce de compassion pour eux, ce qui ne m'était pas familier, mais mes instincts guerriers prirent le dessus, et je la balayai de mon esprit en peu de temps. Je pensai à tous les projets avortés, comme Star troll avec Titus, fini plus tôt qu'on ne l'aurait voulu, ou encore le Serial killer de Dark, et tous mes projets à moi, tombés dans l'oubli lors de ma décision de départ. Je parvins tout de même par en finir avec le rangement du bureau. La pièce semblait vide tout à coup. Seuls restaient un ordinateur, vidé de son disque dur que j'emportais avec moi, et une petite pile de feuilles: mes derniers textes à l'attention de Scan. Je ne pouvais pas laisser une pièce blanche comme ça, me dis-je en parcourant la salle du regard. Ce ne serait pas moi. Je sortis alors de mes cartons une bombe de peinture noire, cadeau de Fox Furby, et je taggai sur un des murs un énorme fuck! Je souris en pensant à la tête qu'allaient faire les prochains propriétaires en voyant cela, et je sortis de la pièce.

Des froissements, des bruits de scotch, provenaient des autres pièces. Les autres finissaient aussi leur rangement. Je descendis les escaliers pour la dernière fois, me remémorant tout à coup que même le dernier jour, l'ascenseur était en panne. Saloperie de technologie. Arrivé en bas, je vis le pitbull allongé au beau milieu de la pièce, qui apparaissait comme froide, insipide en ce jour. Il courut vers moi la langue pendante, et je pensai à le tuer. Mais il avait fait partie de l'histoire de Q.I. à sa manière, alors je l'offris à la standardiste, qui me proposa aussitôt une surprise dans son bureau privé. C'en était trop. Elle n'avait aucun respect pour ce qui avait été pendant un an un travail manifique. Elle prit peur en voyant mon regard se poser sur elle et me supplia de la laisser tranquille, mais ma main se leva, et tous mes sentiments se retrouvèrent canalisés en elle. Alors, semblant douée d'une pensée propre, elle vola avec une haine extrême dans la figure de la standardiste, tandis que me revenaient en mémoire toute cette année. La jeune femme se retrouva propulsée contre le mur où elle resta un moment adossée, avant de glisser, inconsciente, vers le sol. Je me sentais en paix, et je la remerciais en silence d'avoir pu faire sortir cet amas de colère, de haine, de tristesse, et de nostalgie entremêlés. Je vis en me retournant les autres auteurs, les bras chargés de paquets, ébahis de me voir assomer une standardiste qui m'offrait son corps. Mais en voyant la pauvre femme par terre, le nez dans sa poitrine, le trou dans le mur dû au choc, et le chien assis sur l'hôtesse, ils se mirent à rire, ce que je fis aussi.

Tout le monde se retrouva ensuite dans la rue, pour les traditionnels adieux. J'aime pas les adieux. C'est con, dégoulinant de bons sentiments, et horriblement niais. Aelidnel et Sir Yakko les transformèrent cependant en simple au revoir, nous invitant à les rejoindre sur iforir.fr.st. Je repartis alors vers chez moi, non sans avoir auparavant entendu Sigma me balancer un Fuck la Bretagne!, qui je lui envoyai aussitôt avec la Normandie à la place, et vu Ash, Blèh et dark wind entamer une partie de passe à dix avec le chien. Ces types étaient vraiment très cons. Mais j'étais heureux d'avoir pu partager cette connerie avec eux. En rentrant chez moi, l'idée me vint de me bourrer la gueule pour oublier. Pour oublier cette dernière journée et faire qu'elle n'avait jamais exister, pour oublier le fait que j'étais au chômage, pour oublier la fin de Q.I., pour oublier de penser à l'avenir, pour éviter de ressasser encore une fois le passé. Mais dans un sursaut d'intelligence, je me dis que ce n'était pas digne d'un auteur de Q.I. Alors j'ouvris mon frigo, je sortis une despé tandis que mon pc s'allumait. Je pris une grande gorgée, m'assis devant l'écran, et je me remis à écrire. pour qui, pour quoi, pour quel site, je ne savais pas. Peut être tout simplement pour le plaisir de perpétuer le souvenir de Q.I., webzine humoristique fait par des cons, pour des cons, pendant plus de vingt numéros.......

Marakorn